Artiste-professeure invitée

2024

Véréna Paravel

Née en 1971 à Neuchâtel (France)

Véréna Paravel est cinéaste, artiste et anthropologue visuelle. Son travail conjugue la capacité négative de l'art avec un attachement ethnographique au flux de la vie et un engagement envers les défis écologiques et politiques urgents de notre époque. Ses films ont été projetés à Berlin, Cannes, Locarno, New York, Toronto, Venise et dans d'autres festivals de cinéma. Ils font partie de la collection permanente du Museum of Modern Art de New York et ont été montrés à la Biennale de Venise, à la documenta 14, au Centre Pompidou, à la Tate, au MoMA, au Whitney Museum of American Art, au Barbican, à la Kunst-halle de Berlin, au MoMA PS1 et à l'Institute of Contemporary Arts de Londres. Ses œuvres comprennent Foreign Parts (qui documente la vie d'une décharge new-yorkaise sur le point de disparaître), Leviathan (film viscéral sur l'humanité et la mer, et sur notre pillage des ressources marines), Ah humanity! (réflexion sur la catastrophe de Fukushima et la fragilité de l'humanité à l'ère de l'Anthropocène), Somniloquies (film-essai réalisé à partir d'enregistrements d'archives des rêves du somnambule connu comme étant le plus prolifique au monde), Caniba (réflexion sur le cannibalisme humain) et De Humani Corporis Fabrica (portrait inédit mêlant les corps anatomique, médical et politique).

Pendant son séjour au Fresnoy, Paravel travaillera sur un projet intitulé Notre nature, reposant sur l'idée qu'il est urgent de repenser notre relation à ce qui est souvent inclus dans le concept de « nature », y compris le changement climatique. Selon elle, presque tous les films dits « de nature » ou « d'histoire naturelle » manquent leur cible parce qu'ils sont ou trop romantiques, ou trop anthropomorphiques, ou trop apocalyptiques. Leur cinématographie est de plus en plus spectaculaire, et ce, grâce à l'invention récente de drones offrant une proximité naguère impossible avec d'autres animaux. Toutefois, ils laissent rarement aux spectateurs le sentiment que nous faisons aussi partie intégrante de la nature, ni ne manifestent

un profond intérêt pour la sentience des autres espèces. L'objectif de Paravel est d'accomplir simultanément deux exploits apparemment contraires : faire comprendre que l'humanité est inséparable d'une zone beaucoup plus vaste de la nature, qui nous éclipse et dont nous peinons à saisir l'intrication et la complexité, tout en nous révélant comment l'humanité a souvent cherché aveuglément à dominer, à détruire et à s'éloigner de la nature, et comment de nombreux efforts humains pour se reconnecter à la nature finissent par inscrire diverses versions de dualismes nature-culture politiquement et écologiquement régressifs. En outre, il s'agit de faire en sorte que les spectateurs quittent le film avec l'ardent désir de restaurer notre relation au monde naturel (et, ce faisant, à nous-mêmes).

Chaque chapitre alliera simultanément le passé, le présent et l'avenir de la planète. L'un d'entre eux portera sur le parc du Pléistocène (projet visant à repeupler l'écosystème subarctique septentrional avec des néo-mammouths), un autre sur le sable, matière solide la plus importante sur Terre -- une horrible catastrophe écologique dont presque aucun(e) de nous ne se rend compte --, et un troisième sur la sentience des poissons, en s'appuyant sur une batterie d'études récentes qui ont révélé la complexité et la subtilité de la cognition des poissons (dont le pallium semble remplir un grand nombre de fonctions identiques à celles de notre néocortex). Certaines de ces études suggèrent qu'il est des poissons aussi espiègles et machiavéliques que nous. Ce projet de film (ainsi que la photographie, et un éventuel projet de réalité virtuelle qu'elle développera en parallèle) devrait comporter cinq ou six chapitres de plus, dont un sur la sociabilité et le jeu chez les insectes (qui se concentre également sur une espèce menacée par le réchauffement climatique) et un autre sur les champignons et les plantes.