Charlotte Bayer-Broc

Les Têtes de Mort d'Arkana - Film - 28min - 2017

présenté dans le cadre de l'exposition panorama 19

Film


D’après « Slogans» par Maria Soudaïeva, traduit du russe par Antoine Volodine Publié par les Editions de l’Olivier

Dans un monde de guerre totale, où l’humain n’existe plus que sous forme de trace, une chamane dévastée, une cantatrice brisée et une tueuse attendent désespérément le retour d’Arkana, prisonnière du Régime des Sans-Visages. Face à la brutalité, au chaos et aux souffrances, à l’embrasement suicidaire d’une planète entière, elles se sont réfugiées dans une forêt lointaine. Cette forêt, c'est celle d'une série de peinture de Boticcelli, Historia de Natagio Degli Onesti. C'est le théâtre d'une traque éternelle, d'une mise à mort, celle d'une jeune fille qui s'est refusée à son amoureux. Les figures de la femme poursuivie, ouverte, déchirée viennent heurter la communauté fragile que forme ces quatre créatures féminines. Elles inventent alors ensemble des rituels, des gestes, des imprécations pour échapper à la menace qui les guette. Elles se font sorcières, elles se rêvent cyborg, elles sont des créatures mutantes dont les mains verdissent et la peau se plastifient. Elles récitent des formules magiques et s'inventent une langue pour repousser les masques qui recouvrent leurs visages. Les Têtes de Mort d'Arkana est une injonction à se désenfouir, à s'arracher au monde des vivants, à refuser la renaissance, à devenir un fantôme insurrectionnel.

Citation(s) À 4 h 48, quand le désespoir fera sa visite, je me pendrai au son du souffle de mon amour. Je me suis trouvée si déprimée par le fait d’être mortelle que j’ai décidé de me suicider. L’univers est ma tombe, le soleil n’est que ma mort, mes yeux sont l’aveugle foudre, mon cœur est le ciel où l’orage éclate. En moi-même, au fond d’un abîme, l’immense univers est la mort. Que le monde aille à sa perte, c'est la seule politique. N’imaginez pas qu’il faille être triste pour être militant, même si la chose qu’on combat est abominable. C’est le lien du désir à la réalité (et non sa fuite dans les formes de la représentation) qui possède une force révolutionnaire. Sarah Kane, Georges Bataille, Marguerite Duras, Michel Foucault. 4.48 Psychosis, L'archangélique, Le camion, Introduction à la vie non-fasciste.

Charlotte Bayer-Broc


Le premier lieu de formation de la pensée sensible, critique et politique de Charlotte Bayer-Broc fut le cinéma. Loin des séductions de l'image, ce qui l'a toujours intéressé dans les films, c'est la puissance du plan - de la durée, de la parole, des visages, des gestes - dans lequel se révèle la densité d'un corps emprisonné dans un réel inextricable. Après des études théoriques de littérature et de cinéma, elle intègre les Beaux-arts de Paris en 2011. Son travail vidéo articule des lieux d'images, de l'intimité des maisons à l'immensité des paysages, avec des histoires intimes et collectives qui bordent tout grand récit. Il s'agit toujours pour Charlotte Bayer-Broc de révéler une violence enfouie, de former des narrations nouvelles à partir d’événements perdus. En 2014, après une année d'échange à Santiago de Chile, elle réalise un premier moyen-métrage, Mundos Inmundos, sélectionné au FID Marseille. Le film suit un groupe de punk errant comme des somnambules dans un Chili dépeuplé et fantomatique. Aujourd'hui en post-diplôme au Fresnoy - Studio national des arts contemporains, elle continue d'explorer le Chili et son histoire mineure. Son nouveau film, Los Diablos azules, est une tragédie musicale, incarnée par des divas endeuillées et révolutionnaires, qui raconte le massacre de 3600 ouvriers lors d'une grève dans les mines de salpêtre de la pampa chilienne.

Crédits


Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains, Tourcoing