Drôles de trames !

4 mars
— 8 mai 2016

Descriptif


Il est des survivances dans l’histoire de l’art susceptibles de faire croire aux éternels retours. L’univers internet renvoie ainsi à la toile pour dire un nombre illimité de réseaux qui constituent une communication sans rivage. Recourir à ce terme qui désignait familièrement la séance de cinéma (« se faire une toile » pour dire « aller voir un film ») et, plus anciennement la toile support de plus de huit cents années de création picturale, n’est pas sans saveur rhétorique et théorique. Pourtant, nous devons nous rendre à l’évidence que les mots sont parfois imperméables au renouvellement sinon à la révolution des techniques de l’art.

Se vêtir est une des activités fondamentales de l’homme depuis ses origines. Aussi a-t-il conçu avec une évidence jamais démentie le principe du croisement d’une trame et d’une chaîne textiles pour fabriquer les enveloppes protectrices de son corps, dont la paille, le coton, la soie ou la laine furent les matériaux souples du tissage dans tous ses états.

Cet acte primordial de tisser fut aussi une des procédures majeures de la création des formes. Indépendamment de sa fonction métaphorique minimale pour figurer le fonctionnement de la pensée humaine (rapprocher, croiser, mélanger, monter…), il est une obsession repérable tout au long de l’histoire des arts. Au 20e siècle, toutes les disciplines ont exploité cette activité artisanale et conceptuelle y compris pour échapper à la soumission de la reproduction servile de la réalité tout en défendant l’idée que l’art ne pouvait se dispenser de la virtuosité d’un métier. De surcroît, le geste de tramer permet le rapprochement d’artistes dont les pratiques variées ou les différences générationnelles n’autorisent pourtant pas à priori la comparaison. La trame comme une véritable écriture empruntant à la diversité innombrable des matières a donc le pouvoir de réunir des artistes, de croiser leur pratique et d’invalider les hétérogénéités trompeuses dues au temps.

Même si les matériaux que les artistes manipulent au Fresnoy – Studio national sont très contemporains, hérités des technologies les plus récentes dont celles découlant de la puissance numérique, il demeure fructueux de construire des passerelles entre ces dernières et les procédés anciens appartenant à l’histoire de l’art qui n’en sont pas pour autant abolis. C’est le rôle d’une institution telle que Le Fresnoy que de favoriser la perception de l’interdépendance des procédures techniques qui sont également des procédures mentales.

Dominique Païni.

Les artistes


Thomas Bayrle, Blanca Casas Brullet, Sidival Fila, Dan Flavin, Sheila Hicks, Ryoichi Kurokawa, Sol LeWitt, Jean-Michel Meurice, François Morellet, François Rouan, Pablo Valbuena

Commissaires


Commissaires
Dominique Païni et Pascale Pronnier
Scénographe
Christophe Boulanger