Artiste-professeur invité

2005

Hicham Benohoud

Né en 1968 à Marrakech (Maroc)

Photographe, plasticien né à Marrakech, Maroc, où il est professeur d'art plastique et où il réside. Principales expositions : Institut français de Marrakech (1998), Biennale de la photographie de Bamako (Mali, 2001), Paris Photo au Carrousel du Louvre (2003), « Version soft » à l'Espace photographique Contretype (Bruxelles, 2004).

A première vue -- mais ne voit-on pas ces images toujours pour la première fois -- on croit que le monde d'Hicham Benohoud est tissé dans le plus froid des cauchemars, où un silence oppressant le dispute à la présence de fantômes tristes. Mais si l'on s'attache à l'idée même de mise en scène (donc de jeu), et à ce qui chez cet artiste fait la matière de celle-ci, on découvre une poésie ludique inattendue, infiniment personnelle, un humour sobre dans la position des corps, des objets, dans la relation établie entre ceux-ci et ceux-là. Cette façon bien à soi de « pincer sans rire », ce ludisme de la terreur, viennent fortement troubler le vernis morbide qui veut -- et ne veut pas -- cacher le sourire de l'enfant qui joue seul.

Apparemment simples, voire évidentes, les images d'Hicham Benohoud résistent à la fois au commentaire et à la compréhension. Parce qu'elles savent montrer sans décrire, imposer sans expliciter, elles ont un étrange pouvoir d'attraction, qui tient au mystère qu'elles construisent et enserrent et, inévitablement, nous retournons vers elles sans jamais réussir à les épuiser. Leur rigidité, leur construction même, nous projette avec davantage de violence que n'importe quel instantané dans l'univers palpable, avec son espace en trois dimensions que la fantaisie attristée de l'auteur explore avec élégance. Elles cristallisent un temps que nous restons incapables de définir et nous restons là, comme face à de petites fables d'un conteur allusif dont l'imaginaire révèlerait ce qu'il invente en fait. Comment, dans ces images incontestablement fabriquées, le réel peut-il s'introduire avec autant de sourde violence, jusqu'à imposer un malaise dont nous ne savons pas s'il tient à la situation, à la perception du temps qui émane de l'image ou à la tension permanente entre fiction et monde tangible qui s'exerce dans des rectangles historiés.

La plus grande qualité de ces photographies pourrait être qu'elles résistent, à tous les sens du terme, qu'elles sont irréductibles à quelque discours univoque que ce soit, qu'elles peuvent apparaître comme « littéraires » mais restent profondément visuelles. On en arrive à s'interroger, sans jamais trouver de réponse satisfaisante : comment des images apparemment si calmes, visiblement si douces, parviennent-elles à évoquer une violence profonde, une de ces violences invisibles mais bien réelles, de celles qui affectent l'individu au plus profond de son être alors qu'elles ne sont en rien spectaculaires ?

Christian Caujolle, directeur artistique de l'Agence et de la Galerie VU (Paris)
Texte extrait du catalogue de l'exposition « La salle de classe », Editions de l'œil.


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