Artiste-professeure invitée

2024

Macha Makeïeff

Née en 1953 à Marseille (France)

Récit, regard et autres territoires

Quels regards d'artistes vais-je reconnaître ? Quel sera le mien qui accompagnera une étape de la vie artistique de quelques jeunes gens que le hasard m'aura fait rencontrer ?

Le plaisir du Tarot en quelque sorte, et un élan véritable.

Alors, que mettre au programme de notre traversée ?

D'abord trouver ensemble des lieux de vertige, d'engouement, de curiosité, de désir de l'Autre, de son intelligence, et d'autres approches sensibles. Faire l'expérience du regard, ce révélateur de l'œuvre et de l'avancée qui s'en suit, dans une réciprocité, regardeur-regardé. Faire l'éloge du récit, toujours, dedans et dehors. Dans l'œuvre elle-même, et dans l'installation des œuvres, éprouver les secrets de l'espace, son éloquence. Comment faire entendre le récit dans la déambulation, dans l'espace de l'installation, sur le terrain de jeu. Guetter. Raconter.

Le récit est un aveu, une énigme, un jeu, un tourment. Ici ou là, il appartient au poète depuis la nuit des temps. Oui, oiseau de nuit qu'il faut éclairer, il devra beaucoup à la lumière.

Dans un déplacement loin du conventionnel, loin de l'attendu, en détestation des clichés d'une époque, toujours rechercher le trouble, l'ambivalence de nos gestes artistiques et le champ d'inconnu qu'ils ouvrent. Approcher le désir de la création et son plaisir toujours délectables. Dire la jouissance du faire. Et du coup, s'interroger sur la figure de l'artiste, son destin pas à pas, virages, secousses, frustrations, séquences et surprises. Lire Starobinski.

De septembre 2023 à juillet 2024 : nous établirons un calendrier de rencontres et des zones d'exploration.

D'abord, une approche in situ, une traversée tangible sera librement proposée : le territoire du plateau, de la scène, du lieu des répétitions, de la coulisse ; alors, selon le désir, traverser ou frôler ce champ-là de la représentation, dans l'exercice de cet art vivant, du spectacle et de ses artifices. Très concrètement, au menu : une création théâtrale, avec son scénario plastique, les images, comme contrepoint sensible au texte proposé. Le sensible avant toute forme d'intelligible.

Suivre les étapes de la préméditation, l'élaboration du spectacle, le voir se faire et sur scène et depuis la coulisse (TNP, Odéon). Qu'est-ce que la représentation dans le déroulement du temps réel ?

Ce sera le temps de l'éloge du théâtre comme art plastique !

Et puis, deuxième territoire où approcher les prémisses d'une grande installation au Mucem à Marseille prévue en décembre 2024, collections foraines, stocks, réserves, récoltes, accumulation et tout le bazar poétique de choses défaites, usées, déclassées, sublimes, qui feront le récit. Puis, les esquisses dans une maquette de carton avec la déambulation parmi les Choses, les Bêtes et des œuvres d'art confiées. Confrontation aux arts forains, hantise de la figure du saltimbanque chez des artistes de tous poils ; tout ça pour le public le plus large.

Confrontation du prosaïque (y trouver le sublime) et de chef-d'œuvre reconnu...

La joie des yeux là encore. Qu'est-ce qu'un pitre ? Le monde clos des forains qui pourtant errent, bougent, montent et démontent une piste, un cercle sacré et un peu misérable de clowns et de freaks. Dans le cinéma, la peinture, la performance visuelle, depuis Alice Guy jusque Wenders, de Niki de Saint-Phalle à Claude Cahun, Garouste, Lautrec, Arbus, Pierrick Sorin...

On vérifiera dans ces étapes, hospitalité et frottements d'artiste à artiste, la porosité entre des univers et des disciplines, et, qui sait ? Des prolongements dans la propre création de chacune, chacun, dans cet échange, prédateur et prédatrice attentionnés de chaque work in progress.

Il y aura encore la fantaisie, comme dandysme. On est toujours le Dada de quelqu'un.

Autre affaire que nous allons approcher : Le corps inouï de l'acteur. Qu'en faire ?

Nous allons dès l'automne, ensemble, avec celles, ceux que j'accompagnerai et découvrirai, trouver notre méthode pour ce voyage, cette conversation initiatique de plusieurs mois, parfois muette, parfois pleine de mots, de couleurs, de bruits, d'expressivité, d'artifices, de partage, qui, je l'espère vraiment, aboutira à une sorte de Manifeste.

Je m'appliquerai comme dogma la bienveillance, cet élégant corolaire de l'exigence.

L'audace aussi. Serai aux aguets.

J'aimerais bien qu'on se retrouve aussi à Paris, à Villeurbanne et à Marseille.

Vite, septembre ! Vous rencontrer, nous découvrir. Entremêler nos aventures dans une séquence étonnante.