Simon Leibovitz-Grzeszczak

Bobok - Film - 2010

présenté dans le cadre de l'exposition Panorama 12

Film


«Un cadavre dévale une rivière, en temps de guerre, en Europe. Vampire à la bouche perdue, il tire la langue morte et sème des images. Hallucination macabre, grotesque et insondable crétinerie baroque, BOBOK, figure d’idiot poreux, fabrique des apostrophes mornes, à corps défendant, s’incruste en motif et prolifère en englouti. Zek hébété, trickster boueux, “Ostradek” et machin-chose, dépouille d’homme : monstre. Il est ici question de ce qui n’en finit pas de participer au monde, fût-ce n’importe comment, à son régime de formes dont nous sommes les embarrassés, les héritiers en vrac. De l’Histoire, de la culture “embusquée”, de ces cadres toujours préexistants, prédominants, la tradition polonaise a toujours cultivé un contrepoint radical, du moins depuis Witkiewicz : une défiance envers la Forme,la “Gueule” (Gombrowicz), la “Pacotille” (Schulz). Même des régimes cyniques ou transgressifs (avec Borowski ou Rawicz) setiennent dans ce cadre avec pour souci la lecture non de ce qui y est dit, mais signifié, de “l’étrangeté absolue qu’engendre l’horreur” (Ricoeur). Il s’agit ici de convoquer par une espèce de "travelling de kapo" les distances entre le sujet filmé, le sujet filmant et le sujet spectateur par une géométrie informe. Comment l’horreur (et d’autant plus comme genre…) s’accordet- elle du grotesque et du trivial ? Comment advient et résiste un motif dans son entreprise entropique, face à son fond, son limon, son bestiaire empathique et congénère ? Qu’est-ce que nous signifie la capacité d’une culture à "sémantiser" la destruction même qui la vise ? Le mode burlesque se le demande aussi. BOBOK tente de mettre en jeu et de configurer ce qui se soustrait au point de vue, au (re)connu, et de le prendre en charge (et au mot). Le régime des ambiguïtés génère du jeu, c’est-à-dire un espace de friction, de fiction, comme le gag désigne aussi un bâillon. Cette esthétique oblique s’arrange des articulations et des solidarités paradoxales comme exercice du regard et du pensant, comme une dialectique de sensations au deuil du langage. Du buccal à l’oral une mâchoire trotte, le motif prolifère et les bêtes s’en mêlent : un choeur vaseux cherche sa voix et sa langue comme une tour de Babel mobile, labile et débile, à l’image d’une configuration à la Marx Brothers. Si “rendre directement ce charivari étrange ne [serait] que le prolonger et le propager” (Borwicz), une Éthique- Abschmack pousse et tente ici de mettre les pieds dans le plat. Il y a donc un plat.»

Simon Leibovitz-Grzeszczak


Né en 1982. Vit et travaille à Paris.

Artiste multimédia, d'obédience peinture et musique. Ensba, Paris.

Filmographie :
  • 2006 "Nostrilien's Attack From The Zombie Glove" 10'
  • 2007 "The Bending Stain" 15'
  • 2008 "Smarkacz" 11'
  • 2009 "Parch" 60'

Remerciements


Madeleine Van Doren, Didier Semin, Daniel Dobbels, Emanuel Saulnier, François Boisrond, Alain Fleischer. F et J Leibovitz.

Crédits


Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains, Tourcoing