Jean-Paul Fargier

Tombeau pour l’URSS - Film - 2012

présenté dans le cadre de l'exposition Panorama 14

Film


Quelques notes de musique attirent un jeune garçon devant un mur de pierres. Visiblement intrigué, l'enfant frappe la roche de plusieurs coups de bâton. Une image fantomatique – incrustée – commence à sourdre. Premier choc. Encore un coup, puis un autre et l'image jaillit tout à fait : une procession musicale extraite des Joyeux Garçons de Grigori Alexandrov (1934). Le petit chef d’orchestre (ou est-ce un magicien ?) utilise donc sa baguette pour faire apparaître des revenants et enclencher le mouvement de l’œuvre. Générique. En quelques secondes, Jean-Paul Fargier annonce brillamment son projet : extraire des informations enfouies dans les strates de l'Histoire en confrontant différents supports. Force est de constater, en effet, que ce Tombeau pour l'URSS déborde d'images hétérogènes. Reportage contemporain (fouilles, recherches en laboratoire, interviews, journaux télévisés russes, performance de Jérôme Bourdellon et Joëlle Léandre), actualités d'époque, comédie musicale d'Alexandrov, photographies et documents administratifs recomposent, pièce par pièce, une « mosaïque complexe » (le mot-clé est emprunté à l'un des étudiants interrogés). Et c'est par les chocs – les trouées, les collisions, les chevauchements – entre ces régimes d'images que le processus vidéographique d'exhumation et de reconstruction s'effectue. Cela, dans le but de reconstituer le trajet « de Paris à Moscou puis de Moscou à Paris » de sculptures brisées, découvertes par l'archéologue François Gentili, à Baillet-en-France, en 2004. Le morcellement des statues et l'investigation qu'il implique travaillent, semble-t-il, en profondeur, les choix formels de Fargier. Les matériaux seuls font la différence. À l'archéologue le béton armé et au vidéaste les images ! Toutes les images : fixes, en mouvement, en noir et blanc, en couleurs, lisses, granuleuses, pixelisées, muettes, parlantes, musicales etc. L'historiographie apparaît dès lors comme un jeu de construction protéiforme. Arnaud Widendaële

Jean-Paul Fargier


Né en 1944 à Aubenas (Ardèche). A réalisé, depuis 1973, une dizaine d'installations vidéo et plus de cent films documentaires pour la télévision.

Parmi lesquels Sollers au Paradis (1980), Joyce Digital (1984), Choses vues – de Victor Hugo, avec Michel Piccoli (1985), Mémoires d’aveugle (avec Jacques Derrida, 1990), Play it again, Nam (1990), L’Origine du monde (1996), Man Ray (1998), Versailles ou les jardins du Pouvoir (2000), Cocteau et Cie (2003), Les Voyageurs de la Korrigane (2005), Les Nymphéas, grand rêve de Monet (2006), M… la maudite (2007), Le dernier bal de la IVe(2008), Poésie protestante (2009), Reims la romaine (2010), Petites phrases, grande Histoire (2011), Rock Lulu, prince du Bitcherland (2012).

Critique de cinéma (Cinéthique, Les Cahiers du Cinéma, Le Monde, Art press, Turbulences Vidéo).

Maître de conférence à l’Université Paris VIII (à la retraite depuis 2011).

A publié Atteinte à la fiction de l'Etat (roman, Gallimard) et des essais sur Jean-Luc Godard, Nam June Paik, Bill Viola, Laurent Millet, Pierrick Sorin.

Crédits


Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains, Tourcoing