Artiste-professeur invité

2014

Jean-Claude Brisseau

Né en 1944 à Paris (France)

Jean-Claude Brisseau s'est souvent attaqué aux tabous.

Dans La Vie comme ça, son premier long métrage, il parlait de la vie dans les banlieues, dans De bruit et de fureur, il s'est intéressé à la délinquance. Dans ses trois films suivants (Choses secrètes, Les Anges exterminateurs, A l'aventure), il a pris le risque de s'approcher du plus grand des tabous : le sexe.

Choses secrètes, l'un de ses plus beaux films, montre comment deux jeunes filles jouent de leurs charmes comme d'une arme pour pénétrer les hautes sphères de la société et du pouvoir, dans un jeu dangereux qui se retournera contre elles. Avec Les Anges exterminateurs (2006) il plonge dans les mystères du désir et du plaisir féminin, vécus comme une forme de mysticisme, non pas comme un provocateur mais comme un explorateur et un expérimentateur, avec la complicité de ses magnifiques jeunes comédiennes, en procédant à une audacieuse mise en abîme et un jeu de miroirs (le film met en scène un cinéaste pris au piège de son propre dispositif).

Le nouveau long métrage de Jean-Claude Brisseau, La Fille de nulle part, est un émouvant retour aux sources. Le film est autoproduit, interprété par Brisseau, et essentiellement tourné dans son propre appartement, un peu à la manière des films amateurs de ses débuts, et le numérique (employé pour la première fois par Brisseau) remplace le super 8. Le film fait penser à ces œuvres de cinéastes qui n'ont plus rien à prouver mais ont toujours soif d'expérimentations, comme le récent Twixt de Francis Ford Coppola. Le confinement du sujet (la relation platonique entre un vieux professeur et une jeune fille sauvage) et la modestie des moyens apparaissent, davantage qu'un aveu de résignation, comme une authentique démonstration de résistance politique et économique, un véritable manifeste de cinéma guérilla. Car tournage léger et micro budget ne signifient pas amateurisme sous la direction d'un cinéaste obsédé par le style et la forme. Chez Brisseau tout est question de mise en scène, et La Fille de nulle part est une véritable leçon de cinéma, symptomatique de la fidélité de Brisseau à certains préceptes esthétiques de la Nouvelle Vague mais aussi du cinéma américain classique (surtout Hitchcock). Si l'on retrouve les préoccupations mystiques et morales du cinéaste, avec de nouveau des incursions du côté du paranormal et du spiritisme, La Fille de nulle part s'enrichit d'une surprenante dimension émotionnelle qui le fait échapper à un simple exposé théorique).

Avec le portrait de cet homme vieillissant, misanthrope et idéaliste, Brisseau se livre à une étrange confession intime, sacrifiant pour la première fois à l'autobiographie, sans renoncer à sa passion pour le romanesque.

Sa propre interprétation est touchante, et il confirme sa réputation magistrale de directeur d'actrice, obtenant des merveilles de Virginie Legeay, ancienne étudiante du département scénario de La Fémis qui ne se destinait pas au métier de comédienne (malgré un petit rôle dans Les Anges exterminateurs).

Olivier Père, directeur de l'Unité Cinéma / ARTE France, directeur Général Délégué / ARTE France Cinéma.


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