PANORAMA 4

20 juin
— 6 juil. 2003

Du 20 juin au 6 juillet 2003

À la question que nous sommes amenés à nous poser fréquemment : « Qu’est-ce que je vois, quand je regarde ? », il apparaît que nos réponses sont souvent mal assurées. Sans doute parce qu’il arrive que nous soyons confrontés à la représentation de deux concepts incompatibles : l’observation et les formes en état d’instabilité, les images fixes et leur « entre-deux ». L’incrustation vidéo comme la simultanéité du transport de l’image sur plusieurs écrans n’incitent pas à voir « à travers » comme le proposait Le grand verre de Marcel Duchamp, mais tout aussi perversement de « voir à côté »…


Longtemps nous avons cru que l’image photographique ou cinématographique était peu ou prou l’image de la réalité, nous proposant des façons de lire le monde. Aujourd’hui, il apparaît que ces images, comme celles réalisées à l’aide de la vidéo d’ailleurs, relancent notre curiosité pour des espaces interstitiels, pour des lieux situés au sein d’une configuration mobile qui ne cessent de déplacer, voire même d’effacer les repères auxquels nous étions habitués. La discontinuité des scènes, l’éclatement des lieux en des plans contradictoires par l’accumulation de plusieurs récepteurs, les effets de mouvements livrés aux ambitions de l’accélération sur la lisibilité des images, rendent notre adhésion au visible plus difficile.

C’est en écoutant des étudiants commenter et analyser leurs projets, au cours d’une semaine de validation, que me vint le sentiment de la présence dans de nombreux travaux, je ne dirais pas d’une esthétique, mais plutôt d’une pensée du paysage. D’un paysage, soumis aux différentes modalités de l’image en mouvement, d’un paysage retravaillé par des dispositifs entraînant des basculements de point de vue, d’un paysage symptomatique, dans certains cas, d’un nouvel usage de la ville. D’un paysage dans tous les cas, proposant une réorganisation de l’espace sensible à partir d’un ensemble de signes capables de transformer l’obstination et la rigidité du « réel  » en un champ de représentations où chaque signe a un statut d’indice. Comme si l’effet visuel élaboré par leur concepteur avait pour principal objectif de rendre perceptible l’illusion contenue dans l’image afin que naisse une articulation plus ou moins paradoxale entre « l’ici » et « l’ailleurs ». Un « ici » représentant l’espace-temps où nous nous tenons au quotidien, un « ailleurs », doté d’une densité conceptuelle et qui, au-delà de l’expérience qui l’institue, peut apparaître comme un lieu d’accueil pour des lois, des systèmes, des aberrations sonores ou optiques traitant d’un monde que la science a rapproché de nous…

…Paysages persistants, titre donné à cette exposition, s’accompagne probablement d’un sentiment de résistance vis-à-vis de quelque chose qui tenterait d’en abolir la présence. Comme si les trames, les distances, les vitesses et les cadrages choisis faisaient appel à une vraie discipline du regard pour dire quelque chose que l’on ne saurait nommer avec exactitude et qui énonce bien souvent la conscience d’une présence menacée. Sans doute parce que parlant du corps ou du paysage, les œuvres en viennent toujours à interroger les relations de l’éphémère et du mémorisé, du périssable et du virtuel, à ausculter les choses, les états des choses, tout ce qui ne cesse de se mouvoir, d’osciller, de se métamorphoser, de se dilater dans un espace/temps qui, même s’il ne répond pas valablement à nos questions, est tout autant en nous que devant nous.

Anne Tronche

Les artistes


Mylène Benoît, Thierry Bernard, Olivier Bosson, Blaise Bourgeois, Mathieu Bouvier, Marie-Laure Cazin, Slavica Ceperkovic, Dominique Chila, Julien Coïc, Cécile Dauchez, Nicolas Devos, Morgan Dimnet, Veaceslav Druta, Laura Erber, Arno Fabre, Jérôme Fihey, Alex Geddie, Emmanuel Giraud, Carolina Gonçalvez, Laura Henno, Gaspard Hirschi, Jiro Ishihara, Natacha Kantor, Kim Hee-young, Jocelyn Le Creurer, Nora Martirosyan, Alexandra Melot, Catherine Meyer-Baud, Sabrina Montiel-Soto, Jean-Marc Munerelle, Najari Boris Nordmann, Paolo Pachini, Surachai Pattanakijpaibool, Eric Pellet, Laurent Pernot, Eric Poitevin, Noëlle Pujol, Marlène Rabaud, Samantha Rajasingham, Gregg Smith, Emile Soulier, Jérôme Thomas, Vincent Voillat, Atsuhiko Watanabe, Yannig Willmann 

Accompagné·es pour l’année 2002/2003 par : Pier Paolo Calzolari, Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Antoni Muntadas, Fausto Romitelli

Commissaires


Anne Tronche

Partenaires de l’exposition


© Samantha Rajasingham, True Love Leaves No Traces, installation, 2003, Production Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains