Hannah Collins

Solitude et compagnie : rêve à Roubaix - Film - 2008

présenté dans le cadre de l'exposition Indices d'Orient La mémoire, le témoin et scrutateur

Film


" Contre l'arrière-plan constamment transformé d'un film de 24 heures tourné en accéléré à l'intérieur de l'usine désaffectée de La Tossée, pendant deux jours et deux nuits les résidants de Roubaix font revivre leurs rêves. Tous les rêveurs ont un lien avec l'Algérie. Souvent leurs rêves les emmènent loin de leur quotidien ; tandis qu'un des hommes vole au-dessus de sa maison en Algérie, un autre devient président de la République française et gouverne le pays à sa guise. Tandis que l'usine abandonnée et délabrée devient de plus en plus visible, les rêves d'autres personnes surgissent de leur intimité nocturne. Le jour se lève lentement, guidés par le bruit, nous réagissons à une temporalité qui se transforme progressivement et dans laquelle le son est la seule action. " Hannah Collins

" Voilà je m'élance. J'étends les bras et je cours. Je cours, je cours et enfin, je vole. Je monte tout doucement, il est très difficile de s'arracher de la terre. Je vole. Et là , je quitte la ville. Je vole au-dessus des usines et de leurs cheminées. Les usines et la grisaille. Je quitte la région. Je vole. Je suis au-dessus des nuages. Il fait froid, je n'arrive pas à me stabiliser, j'ai des frissons. J'essaye de monter encore plus haut, au-dessus des nuages, et là je vois les nuages à perte de vue. C'est une drôle de sensation. Je n'arrive pas à me diriger, je n'arrive pas à voir où je vais donc, j'essaye de monter plus haut, plus haut. Et là enfin j'aperçois un peu l'horizon. Je ne sais pas comment je vole en tout cas j'ai les bras déployés, mes jambes sont allongées. Je regarde en haut, en bas. Quelle sensation. Il fait de plus en plus froid. J'attends, j'attends, j'attends. De temps en temps j'aperçois des avions, au loin, en me disant j'espère que je ne vais pas les rencontrer. " Extrait du rêve de Metedji

" Il est très tard dans la nuit, plutôt vers le matin, entre la fin de la nuit et le matin. J'entends les chiens aboyer et il y a des gens, un groupe de personnes qui arrivent et frappent à la porte. En fait, c'est comme si on les attendait parce que les voisins nous ont prévenus. Donc c'est comme si on les attendait, comme si on se tenait prêt. Ils toquent, c'est un groupe de personnes, je ne sais pas exactement combien ils sont, entre dix et quinze personnes. Dès que je les entends taper à la porte, je me réveille comme si j'étais prête et je saute sur un arbre. En fait il y a un balcon. J'essaye de crier mais il ne faut pas, il faut que je m'échappe sinon ils vont me voir. L'arbre donne sur un autre jardin. Le truc c'est que j'ai toute ma famille à l'intérieur mais j'ai l'impression que si j'arrive à m'échapper je peux prévenir d'autres personnes. Il y a une maison qui est celle de ma tante et qui n'est pas très loin. A deux cent mètres. Je m'échappe, je cours. C'est un peu vallonné, il y a d'autres arbres. Il faut que je me cache derrière les autres arbres pour arriver à la maison. J'arrive. Je frappe chez ma tante. Il y a des chiens. Je les réveille. La maison est un peu en hauteur, je vois un peu ce qu'il se passe chez moi. C'est assez calme. C'est étrange, j'imagine un massacre et en fait il ne se passe rien. C'est comme si ce n'était pas des tueurs. Je réveille tout le monde dans la maison et on écoute pour voir ce qu'il se passe dans l'autre maison. C'est une époque où on a très peur d'appeler la police, on ne sait pas vraiment qui tue qui. " Extrait du rêve de Kahina

Hannah Collins


Hannah Collins, artiste, photographe et réalisatrice, travaille sur les expériences collectives de la mémoire, de l'histoire et de la vie quotidienne dans le monde moderne. Connue surtout pour ses installations photographiques, plus récemment elle a fait des films avec des tziganes en Espagne ainsi que dans un village en Russie. Elle a participé à beaucoup d'expositions internationales et ses travaux se trouvent dans de nombreuses collections publiques et privées, dont la Tate Modern, le Centre Pompidou, le MACBA de Barcelone, le musée Reina Sofia à Madrid, le Dallas Museum of Art, et le Musée de Luxembourg. Hannah Collins vit entre Barcelone et Londres.

Remerciements


Nadjib Ben Bella aka (D.Jing Boulaone), Cherguia Bensliman, Hocine Bouaziz, Said Chicouche, Pascale Debrock (Pôle de l'Union), établissement Public Foncier région Nord-Pas de Calais, Fatha Gacem, Aicha Hammoudi, Fouad Hammoudi, Ibrahim Hammoudi (son), Dalila Ladrouz, Kahina Lattef, Afa Mouada, Metedji Mohamed, Hassen Moussouni. / Photographie Frédéric Papon.

Crédits


Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains, Tourcoing