Loading
NOTE D'INTENTION


Dans le cadre de la manifestation Dessiner- tracer, Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains, propose une exposition d’œuvres d’animation. Tout en montrant l’évolution technique dans ce domaine, elle est centrée sur le thème des visions fugitives.

Animer le dessin, ce n’est pas seulement donner à voir le mouvement par la succession des images. C’est montrer la naissance, les mutations ou la disparition d’une forme.
Domaine de la trace et de l’évanescence, l’animation donne à voir les transformations liées au temps qui passe (Qiu Anxiong, Justin Bennett) ; elle se prête à l’évocation de la vision subjective et des projections mentales (Robert Breer), à celle du souvenir ou plutôt de la mémoire en acte – entre effacement et résurgence – (Alexander Schellow, Thor Ochsner) comme à celle du fantasme, du rêve et du cauchemar (Norman McLaren, William Kentridge, Tabaimo, Jan Kopp).

Dans la technique traditionnelle d’animation, c’est le geste de la main qui donne vie à l’image, en ajoutant ou effaçant. Le numérique offre de nouveaux moyens à la création et à la métamorphose des images. Il facilite les hybridations (Thomas Bayrle, Kelly Richardson, Alexandra Crouwers), permet de dissoudre les figures en diminuant la résolution de l’image (Clint Enns) ou en les créant au moyen de leds (Jim Campbell). Aujourd’hui, le spectateur peut assister à la transformation en temps réel d’un paysage reconstruit en 3D (John Gerrard) ou être invité à faire lui-même apparaître et disparaître une image dans une installation interactive (Laurent Pernot). Parmi les œuvres conçues spécialement pour Internet, l’animation occupe une large place et les artistes peuvent intervenir sur Second Life ou s’inspirer de jeux vidéo et en détourner l’idéologie (Les Riches Douaniers).

Car l’aptitude de l’animation à montrer des métamorphoses ne voue pas les œuvres au fabuleux ou au féerique. Quand les silhouettes des films de notre enfance s’évanouissent dans la brume (Maider Fortuné), les artistes parlent avec lucidité de la violence du monde contemporain et les fantasmes personnels se mêlent à la conscience des changements politiques (William Kentridge).

L’urbanisme et l’échec de ses utopies sont un thème récurrent. Un paysage urbain ordinaire peut donner naissance, un bref instant, à la vision d’un monde ludique et convivial (Jan Kopp), ou révéler les tragédies secrètes des cités modernes (Tabaimo). La transformation du dessin dit celle de la ville à travers l’Histoire (Justin Bennett) et, avec les moyens technologiques actuels, les artistes montrent les ruines des utopies d’hier (John Gerrard).

Fugacité et mutation des images font écho à l’instabilité du monde (Jannick Guillou), aux revirements idéologiques, aux risques provoqués par les « avancées » technologiques et à l’angoisse qu’ils génèrent : celle de perdre prise sur le monde et de voir nous échapper cela-même que nous avons créé (Hiraki Sawa). Un nouvel humanisme se fait peut-être jour : seul au milieu d’un paysage virtuel, un homme se met à danser (Christian Rizzo & Iuan-Hau Chang) ; dans une ville à moitié construite (ou détruite ?), un enfant qui joue nous laisse contempler la beauté de son visage (Alexander Schellow).

Marie-Thérèse Champesme